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Dans les pas de Goethe / Goethe auf der Spur

Galerie Heitz, Palais Rohan : Exposition « Goethe à Strasbourg, l’éveil d’un génie (1770-1771) » / Ausstellung « Goethe in Straβburg. Erwachen eines Genies (1770-1771) »

Une exposition organisée par le Cabinet des Estampes et des Dessins et la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg / Eine Ausstellung des Kupferstichkabinetts und der Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

Les élèves de seconde du groupe LvA/Euro du lycée Marie Curie ont eu la chance de bénéficier de la visite de cette exposition consacrée à l’écrivain allemand Goethe (1749-1832) et à son séjour à Strasbourg, entre avril 1770 et août 1771. Ils se sont ainsi rendus le lundi 31 mai au Palais Rohan, encadrés par leur professeur d’allemand.

              Sur les traces de Goethe à Strasbourg, ils ont découvert combien son séjour alsacien a marqué durablement le jeune Goethe et son œuvre, son tempérament comme sa pensée et son goût artistique. Dans ses Mémoires, Poésie et vérité (Dichtung und Wahrheit), il évoquera à plusieurs reprises une Alsace idéalisée. Si ces traces sont discrètes, elles demeurent néanmoins nombreuses et très révélatrices du rôle qu’a joué Strasbourg dans l’évolution, dans la formation du « Weltbürger », le citoyen universel Goethe.

 On pourrait évoquer ici la rencontre avec Johann Gottfried Herder qui lui fait découvrir l’œuvre de Shakespeare et notamment ses tragédies, une œuvre qui ne cessera d’occuper les pensées de l’écrivain tout sa vie durant. C’est aussi un nouveau « sentiment de la nature » (Naturgefühl), qui annonce le Sturm-und-Drang et le romantisme, un nouveau rapport à la nature que génèrent sa perception du paysage alsacien … et la vie sentimentale mouvementée du jeune poète.

Enfin, il aimait monter régulièrement sur la plateforme de la cathédrale de Strasbourg, et consacrera d’ailleurs, dès 1772, un ouvrage à l’architecture allemande, Von Deutscher Baukunst, qui permet de mesurer l’influence de l’édifice sur son œuvre et sa pensée. Il aura certainement contribué à développer chez lui le concept du « regard d’en haut », « der Blick von oben », né d’un « sentiment de communion à la fois avec la terre et avec le ciel, qui se traduit toujours chez lui par un mouvement d’élévation de l’âme au-dessus d’elle-même. » Dans cette sorte d’extase cosmique, le « regard d’en haut » est « porté à la fois sur le monde visible et sa beauté, et, en imagination sur sa génèse ». Je vous recommande la lecture du livre de Pierre Hadot – N’oublie pas de vivre, Goethe et la tradition des exercices spirituels, Espaces libres, Nouvelle édition au format de poche chez Albin Michel, 2021 – à qui j’emprunte ces citations. Ce spécialiste de Goethe y fait le lien avec le rapport à l’immensité d’un Blaise Pascal ou d’un Immanuel Kant, pour qui la prise de conscience de la petitesse et de la grandeur de l’homme est précisément « l’effet que produit le sublime, car l’infini nous écrase, mais la pensée de l’infini nous élève, en sorte que le sentiment du sublime est à la fois peine, peur et plaisir. »

De l’ascension de la cathédrale de Strasbourg à la conquête de l’espace par les astronautes, nous allons franchir un pas que permet l’actualité du lycée Marie Curie – la retransmission en direct, sur la chaîne Youtube du CNES, de la visioconférence avec Thomas Pesquet et qu’ont pu suivre hier  des élèves de terminale de la section à projets scientifiques Marie Curie – en évoquant pour finir le « spatiopithèque » et « l’homo ingravitus » dont l’expérience de l’état d’apesanteur peut être rapprochée de l’expérience cosmique goethéenne.

Mickaël Brétel-André, professeur d’allemand